En
péril depuis des années, la presse ne cesse de chercher des solutions pour se réinventer.
Pourtant, la thèse d’une mort annoncée peut paraître excessive. A ce jour,
aucun média n’a tué ses prédécesseurs et le succès relatif des journaux en
ligne montre qu’il n’existe pas de réelle désaffection du support papier. Mais,
du point de vue des usages, l’an 2000 a marqué un tournant. La lecture du
journal imprimé a cessé d’être, comme disait Georg Hegel, la prière du matin de
l’homme moderne. La consultation des courriels, le visionnage d’une vidéo, la
conversation en ligne, la lecture rapide des titres du jour sur Internet,
toutes ces habitudes mordent sur le temps consacré à la lecture d’un quotidien.
Demain,
combien de lecteurs prendront encore le temps d’aller débourser quelques pièces
dans un kiosque à journaux ? Des essayistes entendent déjà sonner le glas de la
presse écrite. Philip Meyer, le puissant patron de News Corp, a même fixé la
date des funérailles : le dernier quotidien papier disparaîtra au mois d’avril
2040, assure-t-il dans son livre The Vanishing Newspaper. Si en Afrique, le
problème ne se pose pas pour l’instant sur les mêmes termes, en Occident, les
faits, pour le moment, vont dans son sens.
Aux
Etats-Unis, des dizaines de titres sont menacées d’extinction. 16 000
journalistes américains ont été licenciés en 2008 (contre 2 000 en 2007) et la
cadence des plans sociaux s’accélère. Le Boston Globe et le San Francisco
Chronicle chancellent, le Rocky Mountain News a stoppé les rotatives, le Christian
Science Monitor, centenaire, n’existe plus que sur Internet. Même le
prestigieux New York Times a hypothéqué son siège social… Et le vent de panique
qui a déferlé sur la presse américaine souffle désormais, sur une partie du
marché européen, confronté à des difficultés voisines.
En
France, le titre emblématique, France Soir, a mis la clé sous la porte. Après
avoir arrêté sa version papier en décembre 2011, le quotidien a tenté l’aventure
sur le seul Web, mais l’expérience a tourné court, faute de recettes
publicitaires suffisantes pour faire vivre une rédaction. Au faîte de sa gloire
dans les années 60, France Soir sortait sept éditions par jour pour plus d’un
million d’exemplaires vendus. 2012 a aussi vu la fin de la version imprimée de
La Tribune. Le titre économique, repris à la barre du Tribunal de Commerce,
tente lui aussi une existence numérique doublée d’une édition hebdomadaire.
Mais après 27 ans d’une histoire mouvementée, le journal peine à trouver un
nouvel élan. Un "guichet départs" doit être ouvert en janvier, afin
de supprimer une dizaine de postes parmi les 26 journalistes restants.
Au
Figaro, la direction dit s’attendre à une année 2013 "très difficile"
et a annoncé un plan de départs volontaires qui devrait affecter 10% des
quelque 900 salariés de ses titres. Le groupe, dont l’activité numérique est bénéficiaire
notamment grâce à ses sites marchands, a annoncé "une rénovation de ses
offres éditoriales". Les difficultés de la presse ont des origines
multiples. Si les lecteurs français délaissent les journaux (les ventes au numéro
reculent chaque année d’environ 7%), c’est l’effondrement des recettes
publicitaires qui "plombent" encore davantage l’économie de ce
secteur, pourtant fortement subventionné. Le chiffre d’affaires publicitaire
des quotidiens nationaux recule depuis 2008 dans des proportions allant de 6% à
12% par an, selon différentes estimations.
Les
dépenses de publicité, dont une partie avait migrée vers l’audiovisuel à partir
des années 80, se portent aujourd’hui, massivement vers Internet. Moins coûteuse
et plus ciblée, la publicité adressée directement aux internautes nourrit
aujourd’hui, les géants du Net. Ainsi Google, sur le seul marché français,
engrange déjà près d’un milliard d’euros par an et aux Etats-Unis, son chiffre
d’affaires publicitaire dépasse désormais, celui de l’ensemble de la presse
"papier". Si les explications de la crise diffèrent, ces auteurs
parviennent à la même conclusion. Pour la plupart des organes de presse, il
faut aujourd’hui, réinventer complètement la manière de produire et de diffuser
l’information.
Les
tâtonnements actuels pourraient ouvrir des pistes prometteuses au journalisme,
quel que soit son support de publication. Sur Internet comme dans les kiosques,
il y aura quelques morts, mais aussi des naissances – et renaissances. Les
professionnels de l’information auront à trouver le juste équilibre entre un
journalisme à l’ancienne, nourri d’enquêtes, de reportages et d’expertise, et
les nouvelles pratiques apparues sur Internet : discussions et débats en ligne,
proximité du lecteur, recommandations, interactions entre les sources d’information,
usage raisonné de la vidéo, du son, des liens hypertextes. Avec l’arrivée sur
le marché du travail d’une nouvelle génération, cette réinvention du journalisme
a déjà commencé.
Raphaël
KAFANDO
(Le
Faso.net
10/01/2013)
Source :
http://www.linternaute.com/actualit...
http://www.scienceshumaines.com/int...
http://www.journaldunet.com/ebusine...
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